« Un jour, à un feu rouge, un jeune afghan est venu me demander une pièce et, tout d’un coup, j’ai été bouleversée car j’ai vu mon fils à sa place et je l’ai imaginé, dans un pays inconnu, débarqué là après un périple aux multiples traumatismes, comprenant mal la langue et les codes du lieu ».
Voilà comment Véronique a rejoint le groupe rassemblé par Steves Babooram début 2018, suite à l’occupation de l’église saint Ferréol par de jeunes migrants isolés. L’idée était de réfléchir à une action pour aider ces jeunes en « bouchant les trous dans la raquette », en synergie avec les aides existantes, sans les concurrencer. Cette action allait peu à peu se concrétiser par la mise en place d’un accompagnement de proximité bienveillant. Ainsi est né le groupe Raphaël devenu, début 2024, l'association Raphaël.
En groupe de relecture des pratiques, Magali, un peu désemparée par la lenteur des progrès en français d’Aliu pourtant très motivé, dit : « Il y a un gouffre entre le niveau qu’ils ont et celui qui leur serait nécessaire pour suivre leurs cours ». La psychologue présente, rappelle alors : « Le cerveau encode toute réussite même minime dans n’importe quel domaine et l’appliquera dans tous les domaines », et nous encourageait : « Même si les progrès scolaires des jeunes sont infimes, vous pouvez être des tuteurs de résilience pour les jeunes en développant chez eux la confiance en soi, la confiance en l’autre et la capacité à être en lien».
Nous nous fixons donc de modestes buts : assurer une présence régulière et bienveillante, valoriser le moindre progrès, écouter avec patience sans juger ni poser de questions intrusives, admirer la capacité à se concentrer quand tant de soucis encombrent le cerveau, cultiver la conviction que chacun est capable d’apporter ses richesses à notre société et d’en prendre soin. Et nous avons recours à des méthodes mises en place par des professionnels de l’apprentissage des langues aux primo-arrivants (pour lesquelles nous nous formons), en nous souvenant que nous ne sommes pas lesdits professionnels et en essayant d’échapper à la tentation d’obtenir des résultats quantifiables.
Les difficultés ne manquent pas mais tous ceux et celles qui ont expérimenté ces accompagnements en témoignent : ils y ont récolté beaucoup de joie.
Les jeunes accompagnés témoignent des bienfaits des moments simples partagés. « Pendant l’heure et demie que je passe à travailler avec Véronique, j’oublie mes soucis » dit Ismaïl. « Florence est la seule à qui je fais plaisir en annonçant ma réussite au CAP » dit Djibril. « Lionel m’a emmené en vacances, il m’a fait balader dans les calanques, il est venu avec moi rencontrer mon professeur principal. Je sais que je compte pour lui » dit Mohamed. Et Seydou, lui, habitué à avoir cours le samedi matin en duo, s’émerveille de ce que la fille de la maison ait pris le temps de lui expliquer les équations du second degré sur la table de la cuisine pendant que sa mère aidait Hassan pour le code de la route.
Et les accompagnants ? Leur joie est grande de voir ses jeunes s’épanouir, développer leurs talents, acquérir avec fierté un métier, construire une famille pour certains. Ils reçoivent comme des trésors sans prix les rires et les confidences partagés, les remerciements inventés par le jeune qui peuvent aller d’un repas concocté avec soin à l’adoption de la ponctualité.
Il a fallu du temps pour que les associations qui prennent en charge les MNA avec mandat du département nous fassent confiance. Aujourd’hui il y a plus d’une soixantaine de jeunes accompagnés qui peuvent compter sur la présence d’un accompagnant au moins une fois par semaine. Tous les accompagnants forment une équipe avec les animateurs qui ont le souci d’être à leur écoute, de les conseiller, de leur proposer des formations, de mettre à leur disposition du matériel pédagogique.. Chacun peut participer aux groupes de relecture des pratiques où partager joies, difficultés et questionnements.
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